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Retraites: quand la bataille parlementaire est aussi un exercice de style

Entre noms d'oiseaux et "novlangue" orwellienne, la bataille autour de la réforme des retraites se joue aussi sur le terrain…

Entre noms d’oiseaux et « novlangue » orwellienne, la bataille autour de la réforme des retraites se joue aussi sur le terrain des mots à l’Assemblée. Petite revue de cet exercice de style, alors que les débats piétinent.

Le bestiaire

L’insoumise Clémentine Autain est partie à la chasse dès l’examen en commission, soulevant « un nouveau lièvre tous les jours » dans le texte du gouvernement, là où ses collègues insoumis et socialistes pistent des « loups ». Idem pour le LR Thibault Bazin, qui reprend la célèbre formule « quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ». Toujours le canidé avec François Ruffin (LFI), quand il assimile à un « loup qui veut devenir végétarien » les mots « justice sociale » dans la bouche de la majorité.

Mais quand le ton monte, ce sont les noms d’oiseaux qui fusent: mardi, le communiste André Chassaigne compare les élus de la majorité à des « cacatoès ». Plus tard, c’est le MoDem Bruno Millienne qui convoque la basse-cour, dénonçant « un combat de coqs (…) ou de poules » qui empêche « d’en venir à l’examen de fond du projet ». Un « cirque » déploré par la « marcheuse » Valérie Gomez-Bassac.

La météo

Les socialistes font des incursions dans les nuages: Boris Vallaud reproche au gouvernement la « nébulosité » de sa pensée, son collègue apparenté Régis Juanico constate être plongé dans « un brouillard épais ». Leur consœur du Calvados Laurence Dumont regrette l’invention d’un « indice gazeux », le revenu moyen d’activité par tête. Les Républicains demandent de la « visibilité » sur le financement.

En face, la majorité plaide que le débat permette de « clarifier, éclairer ».

L’illusion

Le député LR Fabrice Brun attaque « l’entourloupe » sur la valeur du point, avant que Boris Vallaud ne fustige à plusieurs reprises « l’esbroufe » de cette réforme sous tous ses aspects, de l’étude d’impact aux cas types.

Et quand le secrétaire d’Etat chargé des Retraites Laurent Pietraszewski défend la réforme, le communiste Jean-Paul Dufrègne crie à « l’enfumage ». Pour François Ruffin, le discours gouvernemental relève même de la « novlangue » de Georges Orwell: « Tous les mots se lisent à l’envers, justice signifie bien sûr injustice. » Les oppositions épinglent encore à tout-va un « amateurisme » général.

Le bâtiment

Laurent Pietraszewski oppose à ces critiques une réforme opérant une « refondation » sociale, un « système solide ». Sur ces briques, le MoDem Brahim Hammouche veut « bâtir l’Etat-providence du XXIe siècle ». « Marcheuses » ou architectes, Cendra Motin et Carole Grandjean ont elles aussi appelé à « construire » l’avenir du système de retraites.

Pour le communiste Sébastien Jumel, ils sont plutôt des « plombiers indélicats », voire des « Briconautes » aux yeux de Régis Juanico. Pas d’édifice à bâtir selon le porte-parole des socialistes Boris Vallaud, qui ne voit en la réforme qu’un « vaste capharnaüm ». « Lorsque les fondations sont mal construites, l’édifice est bancal », juge aussi Eric Woerth (LR).

L’autorité

Devant l’obstruction de la gauche de la gauche, les MoDem Richard Ramos et Bruno Millienne préviennent à l’unisson que le « monologue, c’est l’antichambre des dictatures », rejoints par le « marcheur » Rémy Rebeyrotte qui conspue une « dictature procédurale ».

Pour communistes et insoumis, la « dictature » est plutôt au perchoir, avec la règle visant à restreindre les amendements ayant le même objet prise par le président Richard Ferrand, un « maccarthysme » dénoncé vivement par Fabien Roussel (PCF). L’élu apparenté socialiste Christian Hutin a même évoqué le « tribunal révolutionnaire », comparant le président de l’Assemblée à l’un de ses procureurs.