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Ouattara, un économiste au coeur des convulsions ivoiriennes

Alassane Dramane Ouattara entend laisser l'image d'un économiste bâtisseur, qui a pacifié la Côte d'Ivoire après une longue crise meurtrière,…

Alassane Dramane Ouattara entend laisser l’image d’un économiste bâtisseur, qui a pacifié la Côte d’Ivoire après une longue crise meurtrière, en annonçant son départ du pouvoir à l’issue de son second mandat fin 2020.

« Je n’ai certainement pas tout réussi, mais les résultats sont là (…). J’ai donné le meilleur de moi-même », a affirmé Alassane Ouattara jeudi, dans le cadre solennel de la réunion du Sénat et de l’Assemblée nationale en congrès à Yamoussoukro.

Lors de son discours, véritable bilan de ses dix années au pouvoir, « Ado », 78 ans, a assuré avoir hérité d’un pays « en lambeaux », et s’est targué d’avoir « ramené la paix et la sécurité » et « remis le pays au travail ».

Le président Laurent Gbagbo ayant refusé de reconnaître sa défaite dans les urnes, Alassane Ouattara était arrivé au pouvoir par les armes, grâce au soutien de l’armée française, ancienne puissance coloniale, et de la rébellion du Nord.

Il avait hérité d’un pays scindé en deux depuis 2002, aux tensions intercommunautaires à fleur de peau, à l’économie minée par les violences et les sanctions internationales.

Cet ancien haut dirigeant du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a su pendant ses dix ans à la présidence jouer de ses relations avec les Occidentaux et les bailleurs de fonds pour attirer à nouveau capitaux et investisseurs.

Alassane Ouattara a ainsi transformé la Côte d’Ivoire, menant notamment une ambitieuse politique de grands travaux.

« 80% de la population a accès à l’eau potable contre 55% en 2011 », a souligné jeudi le chef d’Etat, égrenant ses réalisations: « 40.000 km de route, 22 ponts, 7 universités 33.000 classes, 27 collèges et lycées, 10 nouveaux hôpitaux… ».

– Image de technocrate –

Mais ses détracteurs critiquent un « technocrate international sans âme », sans volonté sociale et ayant instrumentalisé la justice contre ses opposants.

Si la croissance économique est au rendez-vous, avec une moyenne de 8% depuis 2012, l’émigration clandestine vers l’Europe connaît ces dernières années une ampleur jamais vue.

Alassane Ouattara est aussi loin d’avoir jugulé la corruption, pourtant l’une de ses promesses de campagne.

Surtout, la question de la réconciliation reste posée, alors que la Cour pénale internationale (CPI) a acquitté Laurent Gbagbo, ouvrant la voie à un possible retour en Côte d’Ivoire si l’appel du parquet est rejeté.

« Entre les arrestations politiques des derniers mois et la possibilité qu’il se représente, les Occidentaux lui ont reproché de dériver vers la dictature…. Il a été surpris, vexé même. Persuadé que toutes ses décisions sont bonnes », soulignait fin janvier une source proche du pouvoir.

Né le 1er janvier 1942 à Dimbokro (centre), Alassane Ouattara a accompli la majorité de sa scolarité au Burkina Faso voisin.

Issu du nord du pays majoritairement musulman, il a longtemps été le symbole de la crise identitaire qui a déchiré la Côte d’Ivoire.

– « Ivoirité » –

Marié à une Française, il entre en 1968 au FMI et devient en 1983 vice-gouverneur de la BCEAO, dont il sera plus tard gouverneur.

En 1990, il est nommé Premier ministre par le président Félix Houphouët-Boigny, fonction qu’il exerce jusqu’à la mort du « Vieux » en 1993.

Redoutant ses ambitions, le camp du nouveau président Henri Konan Bédié tente de prouver l’inéligibilité de Ouattara, accusé d’être d’origine burkinabè. Commence ainsi un débat empoisonné sur l' »ivoirité », un concept nationaliste qui a participé à la montée des tensions communautaires.

Lors de la présidentielle de 2000, la candidature de Ouattara est ainsi rejetée pour « nationalité douteuse ».

Après un putsch manqué en 2002, la partition de la Côte d’Ivoire s’impose avec un sud tenu par le camp du président Laurent Gbagbo et un nord rebelle pro-Ouattara.

Sous la pression internationale, Laurent Gbagbo valide en 2005 la candidature Ouattara à la présidentielle, scrutin reporté jusqu’en novembre 2010 et suivi d’une crise qui fera plus de 3.000 morts.

Une offensive finale permet à « Ado » d’accéder au pouvoir le 11 avril 2011. Sa réélection triomphale en 2015 – plus de 83% des voix au premier tour – met fin à l’incessant débat sur sa légitimité.

En annonçant qu’il ne briguerait pas un troisième mandat controversé en 2020, il veut laisser l’image de l’homme qui a permis au pays de tourner la page de la crise. Son souhait ne sera exaucé que si la présidentielle d’octobre se déroule sans heurt, alors que des tensions demeurent dans le pays.